LES FUSILS FONT L’HISTOIRE

24 02 2016

Seconde vie

Serge a passé toute sa vie active dans le domaine militaire, avec un grade qui le distingue puisqu’il a été Général. Quoi de plus normal qu’il connaisse les armes.

Technicien avant tout, il est curieux de toute mécanique et il est chasseur ; c’est pourquoi son regard s’est arrêté aujourd’hui sur ces vieux fusils de la seconde moitié du 19e siècle. Il nous explique par l’exposé ci-dessous comment certains de ces fusils ont pu être transformés en fusil de chasse au calibres de chasse de 12 ou de 16. Ce sont des calibres dont les origines des mesures ne sont sues que des seuls initiés mais qui, grâce à son exposé, nous permet de les connaître…Voici ce qu’il nous dit :

TRANSFORMATIONS D’ARMES RÈGLEMENTAIRES EN ARMES DE CHASSE

Les armes de chasse comportent deux grandes catégories :

– les armes à canon lisse,

– les armes à canon rayé.

Les armes à canon lisse permettent de tirer des cartouches à plombs, essentiellement destinées à la chasse du petit gibier (oiseaux, lièvres, lapins), mais permettent également de tirer des cartouches à balles pour la chasse du gros gibier (chevreuils, sangliers, cerfs…).

Les armes à canon rayé sont exclusivement destinées à la chasse du gros gibier.

Armes de chasse et armes réglementaires ont évolué de manière parallèle, les innovations des unes devançant les innovations des autres.

Chacune des guerres de 1870-71, 1914-18, 1939-45, voit émerger de nouvelles familles d’armes d’épaule réglementaires.

En 1870, le Chassepot Modèle 1866 est la première arme réglementaire française à chargement par la culasse. Il permet un tir rapide et précis avec son canon rayé et sa hausse perfectionnée.

figure 1 – Fusil CHASSEPOT

Le fusil GRAS, dès 1874, succède au Chassepot qui présente trois inconvénients :

– une cartouche en papier totalement combustible ( comme le 155 AUF1), qui provoque avec la poudre noire un encrassement rapide de l’arme,

– un système d’étanchéité à base d’une rondelle en caoutchouc vulcanisé qui se détériore rapidement,

– un système de percussion à l’aide d’une aiguille qui s’avère fragile.

Le fusil GRAS conserve le calibre 11 millimètres du Chassepot, mais utilise une cartouche métallique à percussion centrale.

C’est une arme robuste et fiable, tirant au coup par coup, dont le principal inconvénient est le poids de la munition en raison de son calibre élevé.

Figure 2 – Fusil GRAS

L’énorme stock de Chassepot est rentabilisé en le transformant en fusils GRAS, modèle 1866-74.

Pour cela il suffit de :

– rechambrer ou changer le canon suivant son état,

– installer une nouvelle culasse comportant un percuteur et un extracteur,

– changer la hausse,

– procéder au bronzage, le Chassepot étant poli blanc.

Il y aura encore des fusils GRAS en service dans l’armée française en 1940, notamment pour le personnel au sol de l’armée de l’air. Mon père en était.

Il en aura été fabriqué des centaines de milliers dans nos manufactures de Saint Etienne, de Tulle… Pour se faire une idée, sachez qu’il en a été cédé 450 000 en 1915 à la Russie tzariste.

Le fusil GRAS a été retiré progressivement du service à partir de 1890 à la mise en service du LEBEL, puis du LEBEL-BERTHIER. Le LEBEL, sous ses différentes variantes sera l’arme de base de la guerre 1914-1918.

Par conséquent, une énorme quantité de fusils GRAS réformés, s’est trouvée disponible.

Encadré N°1

Figure 3 – Catalogue

Une partie des fusils Gras disponibles encore robustes et fiables, a été exportée, en partie en Afrique, l’autre fut vendue par l’administration des domaines sur le marché national.

Aubaine pour les armuriers du pays, ce stock étant bradé à prix très bas .

Moyennant quelques adaptations que nous allons examiner, cela permit d’offrir à toute une population de chasseurs, des armes solides et en bon état à prix réduit .

C’est ainsi que j’ai hérité de mes arrière-grands pères et grands-pères de deux Chassepot de 1866, transformés en fusils Gras modèle 1874, puis transformés en fusils de chasse, l’un en calibre 12, l’autre en calibre 24 .

Encadré N° 2

encadré-2

Sur le plan technique, la transformation d’un fusil Gras en fusil de chasse est extrêmement simple :

– le boîtier de culasse est utilisé sans modification, on trouve tous les marquages d’origine,

Figure 4 – marquage et cran de mire

– la cuvette de tir de la culasse est meulée.

Figure 5 : à gauche culasse modifiée, à droite culasse d’origine

– sur le boîtier de culasse vient se visser le canon ; soit un nouveau canon pour les calibres 20, 16 et 12, soit le canon d’origine foré au calibre 24.

Lorsque le canon est remplacé, la hausse et le guidon disparaissent, ainsi que le tenon de fixation de la baïonnette. La hausse est remplacée par un cran de mire fixé sur le boîtier de culasse (fig.4) et le guidon par un simple piton de fer ou de laiton (fig.6).

figure 6 : calibre 12

Sur le canon d’origine du calibre 24, la hausse et le guidon réglementaires sont conservés ainsi que le tenon de fixation de la baïonnette (fig.9 et 10).

figure 7 : calibre 24

figure 7 : calibre 24

figure 8 : guidon

figure 8 : guidon

Enfin, le bois est « civilianisé » en raccourcissant le fût et en supprimant l’embouchoir. La grenadière est conservée ce qui permet d’utiliser une bretelle, souvent la bretelle d’origine.

L’arme ainsi obtenue ne manque pas d’élégance (fig.11 et 12).

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Figure 9 et figure 10

La manufacture d’armes de Saint Etienne a eu ce type d’armes à son catalogue pendant des années de la fin du XIXè siècle jusqu’au premier quart du XXè siècle.

Il n’est pas rare de trouver ce type de fusil dans les bourses aux armes . Des sites spécialisés en offrent à la vente sur internet .

Pour être complet, il convient de mentionner les précautions à prendre pour utiliser ces armes ,en sécurité, avec les munitions d’aujourd’hui .

Quel que soit leur calibre, compte tenu de leur ancienneté, ces fusils sont tous chambrés en 65 millimètres , pour des cartouches de l’époque serties par bourrelet.

Sous peine d’accident grave, il est donc fortement déconseillé d’utiliser des cartouches de longueur supérieure .

Pour les cartouches modernes serties par pliage, il vaut mieux vérifier que la longueur de l’étui après tir est inférieure ou égale à 65 mm.

Enfin, la munition d’origine du fusil Gras était chargée à la poudre noire .

Les armes ayant conservé leur canon d’origine ne peuvent donc être employées qu’à la poudre noire .

Pour les armes dont le canon a été changé (calibres 20, 16 et 12), seules les armes comportant le marquage P.S.F. (poudre sans fumée) sur l’embase du canon ou le boîtier de culasse, peuvent être employées avec des cartouches chargées à poudre sans fumée .

Voici comment, quelquefois dans la saison de chasse, je m’offre le plaisir de chasser avec un Chassepot âgé de 150 ans.

Fabriqué en 1866, transformé après 1874 en fusil Gras, puis à une date indéterminée en fusil de chasse calibre 12.

C’est à la fois un plaisir et une émotion de chasser avec une telle arme qui fonctionne parfaitement et ne manque pas d’élégance.

J’imagine ce fusil nous racontant sa vie, ses différentes affectations et ses différents propriétaires.

Il pourrait nous parler de la manufacture du Second Empire où il est né, des batailles de la guerre de 1870 auxquelles il a participé, entre les mains d’un soldat en capote et pantalon rouge, puis de son nouveau passage à la manufacture pour être modernisé avant sa seconde vie dans l’armée de la troisième république.

La vie de caserne, les champs de tir, les grandes manœuvres, les revues du 14 juillet à Longchamp.

En 1914, la guerre à nouveau, puis en 1916 affecté à un soldat territorial travaillant à remettre en état la Voie Sacrée.

Enfin, la réforme, la mise au rebus à l’arsenal avec des milliers de copains.

Sauvé de la ruine et de la rouille par un dernier passage à la « Manu », où il fait connaissance avec un nouveau canon, un calibre 12, le top des calibres.

Plus que la retraite, c’est une deuxième carrière qui commence déguisé en civil.

Fini les longues marches à l’épaule d’un robuste soldat, seulement la chasse, pour le plaisir …..

Longue vie vieux fusil, ton histoire continue.

Serge Baribaud


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